Compte rendu rédigé par Michel A.
Etaient présents :
Antoine E., coordonnateur AIDES Paris
Sarah P., coordinatrice CAARUD 76 rue de Cléry
Léa, animatrice CAARUD 76 rue de Cléry
Renaud, animateur CAARUD 76 rue de Cléry
Tanguy B., délégué départemental de Paris ARS Ile-de-France
Véronique L., Adjointe à la Maire de Paris chargé des seniors et des solidarités entre générations, Elue de Paris Centre, Déléguée à la Prévention, Tranquilité Publique et Vie Nocturne
Catherine T., Adjointe au maire de Paris Centre en charge de la santé publique et environnementale, des seniors, des solidarités entre les générations, de l’accessibilité universelle et des personnes en situation de handicap.
Sabrina B., Major Chef – Mission de prévention, contact et écoute, commissariat de Paris Centre
Gregory B., chef de service de la police municipale de Paris
Bruno S., co-président du conseil de quartier Sentier-Arts-et-Métiers
Chantal H., conseil de quartier Sentier-Arts-et-Métiers
Angela F., conseil de quartier Sentier-Arts-et-Métiers
Francis L., conseil de quartier Sentier-Arts-et-Métiers
Bertrand R., conseil de quartier Sentier-Arts-et-Métiers
Michel A. ARQAM (Association pour la Renaissance du Quartier Arts-et-Métiers)
Antoine E. présente les trois objectifs de la réunion du comité de suivi associé du CAARUD (Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues) :
- présentation des actions de prévention de l’association AIDES dans le cadre du CAARUD de Paris Centre,
- installation d’un dialogue constructif entre tous les acteurs concernés : responsables institutionnels, élus mairie de Paris, responsables CAARUD AIDES, animateurs, usagers et riverains,
- intégration du CAARUD dans son nouvel environnement suite au déménagement du local précédent 36 rue Dussoubs.
Renaud fait un historique des actions de prévention en commençant par les années 1980-1990 où était prônée l’abstinence des drogues avec comme effet pervers le partage pour l’injection de l’héroïne d’aiguilles souillées de seringues usagées faisant des ravages dans la population des consommateurs d’héroïne avec un taux de contamination au VIH très élevé. AIDES a été créée en 1984 et est la première association de lutte contre le sida et les hépatites en France, reconnue d’utilité publique en 1990. A partir des années 1990, la politique de réduction des risques a été appliquée en distribuant gratuitement des seringues propres avec comme résultat positif la baisse drastique du taux de contamination au VIH, à l’hépatite B et des autres facteurs susceptibles de provoquer des septicémies. Cette politique de réduction des risques a été reconnue d’utilité publique en 1993. Les CAARUD (Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues) ont été créés en 2005 dans le cadre d’une politique d’accompagnement sanitaire et social et financés par l’assurance maladie. Il y a 10 CAARUD à Paris que ce soit dans le centre (1er, 2ème, 3ème, 4ème arrondissements) et aussi dans les quartiers les plus touchés des 10ème, 18ème, 19ème arrondissements. Il y a par ailleurs un CSAPA (Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) au 110 rue Saint-Denis (il y en a trois autres à Paris) qui propose une prise en charge médico-psycho-sociale à des personnes consommatrices de substances psycho actives (illicites ou licites : tabac, alcool, médicaments détournés) en situation de précarité.
Le CAARUD AIDES Paris les Halles du 36 rue Dussoubs a fonctionné à partir de 2012 et a accueilli 350 personnes par un an soit un flux entre 45 et 60 personnes par jour ouvrable, avec un minimum de conditions : respect de l’équipe et des autres usagers et interdiction de consommation sur place. L’abstinence, le projet de sevrage, la sobriété ou d’autres considérations n’étaient pas exigées (principe de l’accueil inconditionnel). Leur étaient proposés du matériel de consommation réduisant les risques (seringues stériles, filtres, pailles, pipes à crack, embouts…), de prévention des infections (dépistage VIH, hépatite B et C et syphilis, distribution d’autotest VIH) et en favorisant l’accès aux soins et aux droits sociaux avec de l’aide pour les démarches administratives en vue d’obtenir une carte vitale, une carte d’identité, un titre de séjour, un logement et favoriser l’insertion ou la réinsertion professionnelle. Des maraudes ont été organisées de 14h à 16h30 les lundis, mercredis et jeudis sur les grands boulevards, à Bonne Nouvelle, à Strasbourg Saint-Denis, et au jardin des Halles Nelson Mandela. Les consommateurs de crack SDF (étant entendu que les consommateurs à la rue sans domiciles fixes représentent une petite portion par rapport à l’autre catégorie largement majoritaire des consommateurs intégrés socialement) sont un des cinq publics cible du CAARUD avec les prostituées, les consommateurs d’héroïne, les femmes victimes de violences, les chemsexeurs.
Le CAARUD AIDES Paris Centre 76 rue de Cléry compte cinq personnels permanents qui travaillent de 9h à 17h. L’accueil collectif du public se fait du lundi au vendredi de 9h30 à 12h30 avec une exception le mercredi matin réservé aux femmes, les chemsexeurs étant reçus le jeudi de 17h à 21h. L’après midi de 14h à 16h est occupé par les maraudes pendant trois jours de la semaine, les deux autres jours étant consacrés au suivi individuel lors d’entretiens personnalisés.
Bertrand R. demande si les crackeux qui zonent nuit et jour sur les marches de la rue de Notre-Dame-de-Bonne Nouvelle viennent au CAARUD.
Léa répond qu’on leur propose une soupe chaude, leur offre de prendre une douche, de laver leur linge, de voir s’ils veulent être aidés dans leurs démarches administratives.
Renaud précise que ces crackeux squattaient la station de métro Bonne Nouvelle (les bancs des lignes 8 et 9) depuis 2016-2017 et que depuis qu’ils en ont été récemment chassés par les patrouilles de la RATP (les bancs ont été supprimés), ils campent la nuit en groupe devant la librairie Boulinier au 7 boulevard de Bonne Nouvelle et ne sont pas forcément intéressés à venir au CAARUD.
Francis L. demande si des statistiques existent sur le nombre de crackeux à la rue traités au CAARUD.
Bertrand R. fait part de ses craintes en ce qui concerne l’appel d’air possible créé par l’implantation du CAARUD au 76 rue de Cléry : le Sentier est un quartier fragile avec les nombreuses fermetures de boutiques mais qui lui paraît encore fonctionner correctement. Est-ce que davantage de crackeux vont envahir le quartier et s’installer dans les rues avoisinantes à partir de la rue de Cléry, rues Villeneuve, Thorel, Beauregard, de la Lune, Notre-Dame-de-Bonne Nouvelle ?
Véonique L. explique que la ville de Paris a pris la mesure de la présence croissante des toxicomanes dans le quartier avec comme conséquences outre la consommation dans la rue, des tentatives d’intrusion dans les immeubles sans compter dans les parkings souterrains, avec des phénomènes de prostitution intrusive. La mairie de Paris conseille aux copropriétés de se prémunir de ces intrusions en installant des dispositifs de protection. Les polices nationale et municipale sont pleinement mobilisées pour endiguer les débordements susceptibles de se produire.
Renaud fait remarquer que le sevrage forcé ne fonctionne pas. La consommation de crack entraîne rapidement une addiction quasi incontrôlable et sans antidote connu. La question à poser : est-ce qu’on peut empêcher sa consommation dans la rue ? Le stationnement des consommateurs devant le CAARUD est interdit, les privant de consommer sur place, évitant ainsi leur attroupement. Il observe que seulement 20% des consommateurs de crack sont agressifs et perturbent fortement les autres. Renaud explique que la SCMR (salle de consommation à moindre risque) de Lariboisière est la seule en France avec celle de l’hôpital de Strasbourg alors qu’en Suisse il y en a une quinzaine. Il pense qu’il serait souhaitable d’en avoir d’autres qui s’installent en France. Par ailleurs il observe qu’il y a plutôt des usagers revendeurs qui vendent pour financer leur propre consommation dans le secteur de Bonne Nouvelle au lieu de vendeurs classiques qui façonnent les galettes dans leurs cuisines à crack et cherchent à les écouler le plus vite possible, ce qui permet une approche humaine plus facile entre les animateurs du CAARUD et les toxicomanes.
Tanguy B. rappelle qu’outre l’aspect sécuritaire avec la lutte contre les trafics menée par la police nationale et la justice condamnant les vendeurs de drogues, l’aspect sanitaire comprend un processus d’accompagnement et de soins mis en place par l’ARS (agence régionale de santé) de l’Ile-de-France découlant du protocole de lutte régional constituant le “plan crack”:
https://www.iledefrance.ars.sante.fr/lutte-contre-la-consommation-de-crack-en-ile-de-france
La consommation de crack conduisant à une addiction avec des complications psychiatriques (troubles cognitifs, dépression…), somatiques (complications respiratoires, infectieuses, cardio-vasculaires, neurologiques…) et sociales (rupture familiale, perte d’emploi, incarcération pour détention de produit illicite, etc.), l’ARS a pour objectif de constituer un continuum de prise en charge à la fois sanitaire et médico-sociale des consommateurs, adapté à leur profil. A ce titre, elle pilote, autorise et finance des actions médico-sociales d’« aller-vers », de réduction des risques et des dommages, d’accompagnement des mises à l’abri en sortie de rue, préalables à une prise en charge thérapeutique hospitalière ou ambulatoire, existante et à développer. L’ensemble des actions et des dispositifs sont élaborés avec l’appui des services hospitaliers d’addictologie et de psychiatrie (AP-HP, GHU-PPN) ainsi que des opérateurs médico-sociaux spécialistes des questions d’exclusion et d’addiction.
Sabrina B. expose l’action du commissariat de police de Paris Centre : plus de 80 rondes par mois ont lieu dans le quartier, des vendeurs de crack sont régulièrement interpellés la nuit, au total une quinzaine ces derniers mois, dans le secteur de Bonne Nouvelle. Les consommateurs de crack sont contrôlés et verbalisés. La mission MPCE qu’elle dirige (Mission de prévention, contact et écoute) a organisé trois réunions du GPO3 (groupe de partenariat opérationnel) consacrées exclusivement au crack à Bonne Nouvelle, les 31 janvier, 23 avril et 8 octobre 2024 avec comme partenaires la RATP, la police municipale qui intervient régulièrement square Jacques Bidaut, la mairie de Paris Centre et le conseil de quartier Sentier Arts-et-Métiers. Sabrina B. s’étonne de ne pas recevoir plus de remontées du terrain. Pourtant il y a un mail de contact : commissariat-centre@interieur.gouv.fr et une fiche d’informations a été communiquée aux riverains.
Suite à une question de Bertrand R. sur le logement des SDF, Tanguy B. explique que les CAARUD peuvent être une porte d’entrée pour les demandes de logement. L’ARS propose 600 nuitées chaque jour pour des personnes mises à l’abri dans 69 hôtels répartis en Île-de-France, des haltes de nuit avec des équipes mobiles d’accompagnement, en plus des espaces de repos de jour. Les résultats de l’hébergement accompagné (dispositif ASSORE) font que sur les 610 personnes accueillies, 87% voient leur consommation de crack diminuer depuis leur entrée dans le dispositif et 1 sur 5 signalent un arrêt complet du crack.
Antoine E. évoque la répartition des locaux dans la rue de Cléry qui sont plus spacieux et adaptés que ceux de la rue Dussoubs : la salle d’accueil au rez-de-chaussée avec un box infirmier, à l’entresol, des espaces de travail, au premier étage les bureaux du personnel. Outre les cinq permanents, les volontaires bénévoles sont opérationnels après une petite formation. La montée en puissance est progressive suite au déménagement qui a provoqué une certaine déperdition des habitués : le rythme des visites journalières est passé de 60 au centré 36 rue Dussoubs à 30 au nouveau centre au 76 rue de Cléry, les chemsexeurs eux-aussi sont moins nombreux mais la stratégie d’accompagnement a fait ses preuves et Antoine E. est convaincu que le centre au 76 rue de Cléry va retrouver rapidement le rythme du centre au 36 rue Dussoubs.